Tuesday 29 May 2007

Hymne à l'amour en Islam

Une fois n'est pas coutume, le journal La Presse publie un dossier très intéressant sur le don et la greffe d'organes en Tunisie, et à donné la parole à plusieurs personnes engagés sur ce front. Parmi les intervenant, un vénérable Cheikh élabore une approche très généraliste et humaine du point de vue de l'Islam. J'ai trouvé cela très beau. Extraits:

La Presse : "Peut-on rappeler à présent la position des autorités religieuses en ce qui concerne cette question de la transplantation d’organe et sur quelle base elle s’appuie ?"

Cheikh Ali Tabboura :
Au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux.
Les principes religieux et moraux du don d’organe : l’Islam a abordé ce sujet sous deux angles. Le premier en tant que réponse à une attente et le deuxième en tant que conduite morale civilisée. Nous trouvons les deux aspects dans l’Islam, qui a posé des bases pour cela.
Quelles sont ces bases ? Tout d’abord, la plupart des gens ignorent que l’Islam est une religion de la générosité à l’égard de l’être humain. C’est une religion qui accorde à la vie une valeur sacrée et qui la respecte. Dans un des versets du Coran, Dieu dit que celui qui a tué une personne sans motif, c’est comme s’il avait donné la mort à tous les hommes, et celui qui lui a donné la vie, c’est comme s’il avait donné la vie à tous les hommes. Voyez comme cela témoigne de la valeur sacrée de la vie humaine pour l’Islam.
Deuxièmement, l’Islam est une religion de la fraternité, de l’amour d’autrui et de l’interaction avec l’autre : non une religion de l’isolement et de l’égoïsme. C’est une religion de la solidarité et de la compassion. Voilà le sens général de la religion musulmane, qui est le cadre dans lequel nous avons abordé le thème du don d’organe.
L’intention première de la législation en religion musulmane (Chariâa), qui répond à la question relative à l’utilité de la religion en tout lieu et en tout temps, c’est de prendre en considération les attentes des particuliers et des collectivités et de faciliter leur existence.
La religion vient pour apporter des réponses, pour organiser et pour faciliter la vie, non pour la rendre plus compliquée.

(...) Donc celui qui vient me dire qu’il n’y a pas de texte manifeste, je lui réponds : c’est exact, mais la loi en Islam prend en considération le Coran, la tradition du Prophète et, de même, elle prend en considération l’ijtihad des savants en fonction des données de l’époque.
Nous savons que l’Islam n’ordonne que ce qui relève d’un bien certain et, d’un autre côté, il n’interdit que ce qui relève d’un mal avéré. Or il arrive parfois qu’un bien et un mal se rejoignent : il est par exemple de mon intérêt de préserver mon corps et je ne veux pas que l’on touche à son intégrité, mais l’intérêt d’autrui exige que je les aide. La religion n’est pas restée muette ici : elle dit que lorsqu’un bien et un mal se rencontrent, on doit tenir compte de l’importance de chacun. On doit faire prévaloir l’intérêt qui a le plus de probabilité sur celui qui en a le moins. Ce qui peut vouloir dire que la chose qui présente un intérêt pour autrui peut être préférée à celle qui en présente pour soi : c’est le sens de l’amour du bien, de la bienveillance et de l’obligeance vis-à-vis d’autrui. Et c’est en cela qu’on accomplit le sens de la religion en laquelle on croit et à laquelle on a été appelé.
Le but de cela est de réaliser le bien le plus important. Que veut dire cela ? Les savants l’ont précisé à travers des règles. Ils disent par exemple que la nécessité rend licite ce qui est illicite. Si j’ai soif au point que ma vie est en danger et qu’il n’y a pas d’eau, boire du vin cesse d’être interdit. Car la préservation de la vie est un devoir sacré.
Autre règle, celle qui prescrit d’éloigner un mal qui atteint autrui avant de s’amener à soi-même un bien. Ou encore celle qui fait prévaloir la défense de l’intérêt général sur celle de l’intérêt privé.
Si les gens ont saisi le sens de la religion selon ces principes, alors ils comprennent que l’interdiction qui porte sur l’atteinte à l’intégrité du corps de l’homme n’est pas une interdiction qui est venue sans motif. Elle répond à des exigences que les savants ont précisées : premièrement, il faut que soit assurée la capacité du corps à remplir ses fonctions normales; deuxièmement, et si l’homme a été créé avec son corps afin d’être un représentant de Dieu sur terre, s’il a été créé pour adorer Dieu, or que l’adorer, avant d’être prière, jeûne ou aumône, c’est avant tout travailler… C’est travailler qui est le vrai culte rendu à Dieu, car si nous devions le limiter aux rites, qui ne prennent de la journée de l’homme que quelques minutes, que fera-t-on de tout le reste du temps ? Et le mérite auprès de Dieu de ce culte qu’est le travail dépasse celui des obligations rituelles !

(...) Voilà un homme vivant et voilà un homme mort : qu’est-ce qui vaut mieux, que l’on préserve la vie du premier, ou que l’on s’attache à l’intégrité du corps du second ? Et voilà un organe : il peut être utile à la vie de quelqu’un ou alors se décomposer dans la terre, car il est constitué de cellules… C’est pourquoi les savants ont dit que la préservation de la vie du vivant passe avant l’intégrité du corps de celui qui est mort, et que si deux avantages se rencontrent, il convient de déterminer lequel d’entre eux importe le plus… Et que le besoin des vivants en soins et de tout ce qui repousse d’eux le dommage par la greffe d’organe, dès lors que celle-ci répond à un besoin et qu’elle est nécessaire, est de nature à rendre licite ce qui est défendu par la loi religieuse…

(...) Certaines personnes disent: «Il n’y a pas de texte clair ni dans le Coran ni dans les hadîths. A propos de l’adultère, du vin, etc, il y a des indications claires : que l’on me donne un texte au sujet de cette question». Or la réponse est facile: les textes du Coran et des hadîths ne couvrent pas l’ensemble des questions auxquelles l’homme fait face dans sa vie. A notre époque, on a affaire à l’économie immatérielle, au commerce des titres boursiers… Est-ce que le Coran et la sunna ont évoqué ces choses-là ? Non, ce sont les savants qui le font, ce sont eux qui doivent trouver les lois qui s’accordent avec la législation de la religion.
Mais à tous ces gens nous disons la chose suivante : «Eh bien, si vous nous dîtes que le don d’organe est illicite, c’est à vous de nous donner le passage de texte qui l’indique». Mais le fondement, en Islam, c’est que là où il n’y a pas interdiction à propos d’une chose, cela signifie qu’elle est autorisée.

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1 comment:

Téméraire said...

Merci pour le texte, je retiens une belle phrase :"en Islam, c’est que là où il n’y a pas interdiction à propos d’une chose, cela signifie qu’elle est autorisée."