La Tunisie, laïque? (bis)
L’expérience tunisienne dans le domaine de la liberté religieuse la rapproche beaucoup du concept de la laïcité tel qu’il est appliqué en France ou en Turquie. Que ce soit dans les rapports entres les gens, dans leurs habitudes et même dans l’organisation générale de la vie publique, l'aspect religieux est très discret et à peine remarqué par le visiteur étranger. Alors, avons-nous vraiment besoin de franchir cette ligne fatale et de balancer notre patrie dans le club, encore très minoritaire, des pays laïcs ? Ne courons-nous pas le risque de déclencher une tornade au sein de la société, pour rien ? Car finalement, qu’apporterait la laïcité à notre pays ? plus de démocratie ? un souffle de liberté ? ou une plus grande visibilité internationale ?
Voici un texte que je trouve convaincant de Tariq Ramadan qui traite de ce sujet :
"La première évidence, qu’il faut absolument contester, est le fait, dans le monde arabo-musulman, pour ne prendre que cet exemple, que tous les « laïcs » sont forcément démocrates. Encore une fois, l’équation simplificatrice qui stipule que dès que l’on défend la laïcité on est forcément démocrate, est non seulement un simplisme politique mais l’utilisation d’une symbolique dont on sait qu’elle fonctionne en Occident. Cela a permis à des gens de justifier au nom de leur référence à la laïcité leur soutien inconditionnel à des dictatures, c’est vrai dans toute l’Afrique du Nord.Personnellement, je doute que l’instauration de la laïcité puisse apporter quoique ce soit à notre pays, dans l’état actuel des choses. La population a atteint une maturité non négligeable dans sa conception de la pratique religieuse et dans la distinction entre la sphère privée et la sphère publique, et cela devrait suffir pour le moment.
Deuxièmement, il est de la même façon faux de dire que tous les démocrates sont forcément « laïcs » au sens où ils se référeraient à cette notion aujourd’hui dans le monde musulman. Vous avez des dynamiques qui ne se référent pas à ce terme -parce qu’elles tiennent à rester en communication avec l’univers symbolique musulman - mais qui sont plus démocratiques que les autres. Cela ne veut pas dire, encore une fois, qu’il faille simplifier les choses, mais les références à une terminologie ne sont pas une garantie de l’attitude politique démocratique dans le monde arabe ou musulman en général.
Troisièmement, il est faux aussi de dire que tous les courants que l’on nomme « islamistes » sont par nature et par essence opposés à des articulations de la laïcité."
Cependant, ceux qui sont tentés par la laïcité veulent apporter une mauvaise réponse à une question délicate : que faire pour affronter cette montée en puissance du sentiment islamiste et intégriste parmi les jeunes ?
Malheureusement, rajouter une ligne à la constitution stipulant le principe de la laïcité ne changerait rien.
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